“Comment accueillir les auxiliaires et favoriser la biodiversité ? ». Un sujet d’actualité particulièrement intéressant. Pour qu’un jardin se porte bien, il faut que faune et flore travaillent en symbiose. Les nombreux auxiliaires qui vivent dans le jardin contribuent fortement à la protection biologique du potager et du verger. Dimanche 6 septembre, Dénis Pépin nous a développer ce sujet. Créateur avec son épouse du Jardin bio des Pépins à Cesson-Cévigné, Denis Pépin est connu pour ses conférences, cours et stages sur le jardinage écologique et biologique. Ses interventions s’appuient sur sa longue expérience professionnelle et personnelle, sa formation d’agronome, de pédologue et d’écologue… Il est passionnant, pédagogue. Son site internet : https://www.jardindespepins.fr/
Les auxiliaires du jardinier lui fournissent nombre de services gratuits, qui contribuent à réduire son travail et augmenter la productivité de son jardin :
– la décomposition des végétaux, qui accroît la fertilité du sol,
– la pollinisation et la protection contre les ravageurs, qui contribuent à augmenter sa production.
1. Les acteurs de la décomposition : bactéries, champignons et autres
– Le nombre d’espèces des bactéries serait compris entre 4 000 et 100 000. Elles ont besoin d’air, d’eau et de chaleur (18°C).
Pour leur apporter de l’air, il convient, d’abord, de décompacter le sol à la fourche-bêche. L’eau leur est nécessaire, car les bactéries se déplacent dans celle que contient le sol, d’où l’importance de maintenir celui-ci couvert de paillis, à constituer avec des déchets verts tendres, comme des feuilles mortes (de préférence, celles de tilleul ou de noisetier) ou des tontes de gazon séchées au soleil pendant quelques heures. En outre, le paillis leur apportera la nourriture et la chaleur dont elles ont besoin.
– Les champignons sont indispensables pour décomposer la lignine des arbres et le transformer en humus et permettre aux bactéries de décomposer ensuite la cellulose qu’elle enferme. Champignons et bactéries sont donc complémentaires.
– Les autres acteurs du processus sont les vers de terre, acariens, cloportes, mille -pattes et protozoaires.
2. Les acteurs de la pollinisation
– La pollinisation par les insectes est à l’origine de 90% de la production de framboises, groseilles et cassis, de 70% de celle des pommes, etc.
– A cette fin, les abeilles domestiques sont beaucoup moins intéressantes que leurs sœurs sauvages, dont font partie les bourdons. On compte environ 1 000 espèces d’abeilles sauvages solitaires et de guêpes solitaires et il importe de les aider en accrochant des petits fagots de tiges de bambou à hauteur d’homme dans divers endroits de son jardin. On peut aussi percer des trous dans des planches et les disposer verticalement pour les abriter durant l’hiver.
3. La protection contre les pucerons
– La coccinelle, qui s’est faite rare en 2020, est la plus connue, sans être la plus efficace des prédateurs de pucerons. On distingue la coccinelle à 7 points, qui vit près du sol, la coccinelle à 2 points, qui préfère les arbres et les grands rosiers et l’asiatique (jaune et noire).
Elle hiverne dans les feuilles mortes, les fentes des écorces des arbres (en conséquence, le blanc arboricole badigeonné sur les fruitiers la tuera…) et les tas de bois. Pour se nourrir de pollen et de nectar avant l’hiver, la coccinelle apprécie les asters, les arbousiers et le lierre qui fleurissent en automne.
– Le syrphe est une mouche aux allures de guêpe, mais il est parfaitement inoffensif. Il ne possède que 2 ailes, alors que la guêpe en est dotée de 4 et il n’est pas pincé à la taille et se trouve donc dépourvu de la « taille de guêpe ». Il pond ses œufs dans les colonies de pucerons. Sa larve se nourrit ainsi des pucerons, alors que l’adulte est un butineur et un excellent pollinisateur. Il hiverne dans le feuillage du lierre et les feuilles marcescentes, comme celles du charme. Les syrphes ont été nombreux au printemps 2020 en Bretagne.
– La chrysope, ou « demoiselle aux yeux d’or », dont les ailes sont translucides, est bien supérieure à la coccinelle en terme d’efficacité. Elle aime beaucoup les fleurs de digitale et, comme le syrphe, hiverne dans le lierre et les feuilles de charmes.
– Des variétés de petites guêpes, de couleur noire et dotées de la « taille de guêpe », pondent à l’intérieur des pucerons. En particulier, l’aphidius rosae raffole des pucerons des rosiers et permet à D. Pépin de ne pas traiter ses rosiers.
– Les pemphrédons sont des guêpes solitaires que l’on peut favoriser en laissant du bois mort pourrir dans un coin du jardin et en formant des petits fagots de tiges de rosiers coupées : elles y creuseront leur demeure .
– Les perce-oreilles mangent le puceron du pommier et la plupart des araignées ne tissent pas de toile et chassent à courre les pucerons. Taïaut !
4. La protection contre les chenilles
– Les carabes (ou scarabées), qui peuvent arborer une carapace noire à reflets violacés ou une carapace verte à reflets dorés, ainsi que les fourmis, les guêpes et les araignées sont friands de chenilles, qui ne sont, bien évidemment, pas toutes néfastes.
– Les mésanges, rouges-gorges, troglodytes, etc. sont très utiles pour détruire les chenilles… si ces oiseaux ont faim. Il convient donc de ne les nourrir ( avec, de préférence, des graines de tournesol) qu’en périodes de gel, de neige ou de fortes pluies. Installer des nichoirs entre octobre et janvier, orientés à 50% vers l’Est et dépourvus d’inutiles perchoirs, est conseillé. La LPO propose des nichoirs en béton de bois , qui dureront 30 ans, en cèdre rouge et en douglas. Choisir un (seul) nichoir pour la mésange charbonnière, plus efficace que la mésange bleue, (diamètre du trou d’entrée : 30-32 mm).
– Les chenilles arpenteuses, qui ont défolié les chênes, charmes et arbres fruitiers au début des printemps 2018 et 2019 et, dans une moindre mesure en 2020, ont bénéficié de l’absence temporaire de ces oiseaux, qui n’avaient pas encore assez faim (ces chenilles apparaissent avant la naissance des petits). Le bacille de Thuringe devient alors indispensable pour sauver les récoltes de fruits. L’appliquer le soir, le garder au frais dans le bas du réfrigérateur et récidiver après une dizaine de jours.
– La chauve-souris la plus efficace est la pipistrelle, qui consomme quelque 3 000 insectes chaque nuit, y compris les arpenteuses. Elle peut se glisser dans une fente de mur d’une épaisseur de 2mm. A défaut, on peut acheter des nichoirs auprès de la LPO.
5. La protection contre les limaces et les escargots
– Parmi les insectes, les carabes dévorent escargots et limaces. Le staphylin est un coléoptère grand mangeur d’œufs de limaces. Il en est de même du ver luisant. Tous affectionnent les paillis de feuilles mortes et de brindilles.
– Les grives cassent la coquille des escargots sur des pierres, les crapauds et les merles mangent les limaces, mais on ne peut guère compter sur le hérisson, dont le territoire est trop vaste pour qu’il soit vraiment utile.
– Ne pas oublier le vieux « truc » de la planche de bois posée dans le potager que l’on retourne chaque matin pour en décrocher les limaces.
6. Comment mieux accueillir les auxiliaires du jardinier ?
– Conserver tous ses « déchets verts », indispensables à la vie du jardin,
– Laisser sur place les restes de culture , y compris les racines,
– Pailler,
– Avoir des fleurs toute l’année, surtout en automne pour nourrir les syrphes, coccinelles et chrysopes avant l’hivernage ( camellia sassanqua, hélianthe, aster, arbousier, sureau…), puis de la mi-février à avril,
– Mélanger rosiers et vivaces,
– Entourer de fleurs son potager : vivaces, aromatiques et annuelles (le souci est parfait ; on peut y ajouter cosmos, zinnias et fenouil),
– Installer des rosiers au potager, des capucines ou des herbes folles au pied des fruitiers,
– Avoir des haies fleuries : viorne « boule de neige », sureau, laurier-tin, noisetier,
– Conserver les mousses et lichens du sol et des arbres, indispensables à la nidification des passereaux, les souches d’arbres et les tiges de fleurs séchées (favorable à la survie des araignées),
– Transformer une (partie de) pelouse en prairie.
7. Achats à éviter
– « hôtels à insectes », qui n’intéresseront guère que les araignées. Leur préférer les petits fagots de bambou répartis dans le jardin et les tas de bois.
– pièges à phéromones, coûteux et peu efficaces,
– prétendues variétés du bacille de Thuringe adaptées à telle ou telle plante (c’est toujours le même produit qui est vendu).
Pour en savoir plus
Et, pour en savoir davantage :
– lire « Stop aux ravageurs dans mon jardin » de Denis Pépin
– visiter son site web « jardindespepins.fr » ou son jardin de Cesson-Sévigné