Taille des arbustes : Apprendre à les lire pour mieux les respecter par Pascal Prieur

CR Conférences

Pascal Prieur

Président des « Arbusticulteurs » et ancien responsable des parcs et jardins de la ville du Mans, Pascal Prieur s’efforce de faire le lien entre les scientifiques, qui n’ont pas de responsabilité de gestion, et les jardiniers, qui se doivent d’être pragmatiques.
Les plantes sont sauvages ou horticoles ; ce sont alors des cultivars, que l’on peut comparer à nos animaux domestiques. Plus la plante est proche de l’état sauvage et moins la taille est nécessaire. En revanche, elle le devient pour les plantes horticoles de plus en plus sélectionnées pour leurs qualités en matière de floraison ou de fructification, car elles vieillissent rapidement. Ainsi, l’hydrangea paniculata sauvage du Sud de la Chine est un arbre au tronc solide, alors que son cultivar « Little Lime », très compact et très florifère, se fatigue rapidement et a besoin d’être taillé ; il est l’équivalent d’une poule domestique, bien incapable de vivre seule. Il en est de même avec les rosiers miniatures « Fête des mères » ou « Fête des pères », dont l’obsolescence est inévitable, sinon programmée, car leur floraison excessive n’est pas compensée par une production suffisante de feuilles, ce qui les conduit à mourir rapidement.

1. Les fondamentaux de la taille des arbustes

– Plus la taille est radicale et plus la réaction de l’arbuste est violente et verticale,
– A court terme, la vigueur des rameaux s’oppose à la floraison, car une phase de croissance est préalable à la puberté de la plante qui précède nécessairement la floraison,
– Plus un rameau est vertical et plus il est vigoureux,
– Les critères de taille doivent être fonction des modes de ramification et de floraison .

2. L’équilibre des hormones végétales : auxine et cytokinines

– L’auxine est secrétée par les bourgeons terminaux et descend vers les racines ; elle exprime la dominance apicale ou le « pouvoir du chef ». L’auxine empêche le développement des bourgeons axillaires (susceptibles de succéder au « chef »), favorise la floraison et le développement des racines ainsi que celui des rameaux horizontaux .
– A l’inverse, les cytokinines sont produites par les racines et gèrent le développement vertical des rameaux et retardent la floraison. Elles sont responsables du RVV (Réveil, Verticalité, Vigueur) qui suit toute taille, car celle-ci crée un déséquilibre du système hormonal.
– Conclusion : Ne jamais exclure la non-taille, la taille devant toujours correspondre à un objet précis (par exemple, faire vivre les « poules domestiques » que sont les rosiers polyanthas, car une plante qui cesse de croître meurt).

3. Acrotonie, basitonie, mésotonie, médiatonie

– L’acrotonie (du grec « acros » : élevé, extrême et du latin « tonus ») qualifie les arbres et plantes qui croissent par leur sommet : arbres, buis, etc. La taille des végétaux acrotones est inutile au regard de la santé de la plante ; elle n’est utile que pour faire correspondre la plante à l’usage que l’on veut en faire (taille de formation).
– A l’inverse, la basitonie caractérise une plante dont les pousses les plus vigoureuses sont proches de leur base. Une fois installées, les plantes basitones ne grandissent plus, mais multiplient les pousses de hauteur égale. On distingue basitonies des rameaux, de la souche ou souterraine, qui peuvent se combiner. Les plantes strictement basitones, comme le framboisier ou le bambou, sont rares. Une taille d’entretien est donc requise pour supprimer le bois mort du framboisier.
– La basitonie peut aussi être développée sans être naturelle : on peut ainsi tailler au pied des rameaux le rosier paysager et recéper le weigelia pour accroître sa floraison en année n+ 2.
– Acrotonie et basitonie peuvent se trouver réunies chez certains végétaux. Ainsi, le noisetier est naturellement acrotone et basitone ; le laurier rose, naturellement basitone, peut toutefois être conduit en tige et l’épine noire (prunellier) est un arbuste acrotone doté d’une forte basitonie souterraine.
– La mésotonie (du grec « mésos » : situé au milieu) est la faculté d’une plante à se développer par le milieu de ses rameaux qui produisent alors, comme le sureau, des ramifications verticales. Celles-ci naissent parfois sur les arcures des rameaux, comme chez le forsythia qui est tout à la fois acrotone , basitone et mésotone en conservant une hauteur constante de ses rameaux. Mais, le sureau augmente son volume par la croissance des rameaux médians ; il est tonique par son milieu et Pascal Prieur le qualifie de médiatone.

4. Les modes de floraison

Comme on le sait, certaines plantes fleurissent sur les pousses de l’année et d’autres sur les pousses de l’an passé (hortensias, rhododendrons). Mais elles peuvent fleurir à la même période de l’année (en juillet, par exemple), ce qui peut être source de confusion.

5. Tailler en croisant modes de ramification et de floraison

A. Plante basitone + floraison sur les pousses de n-1 : le corète du Japon (kerria) se taille en hiver (on voit mieux ce que l’on fait) en supprimant le vieux bois sans raccourcir les rameaux d’un an.

B. Plante basitone + floraison sur les pousses de l’année : on peut tailler les spirées et les rosiers modernes par réduction des rameaux et suppression sur la souche.

C. Plante acrotone + floraison sur les pousses de l’année : sur le lägerstromia (lilas des Indes) et l’hibiscus, on peut tailler comme on veut en conservant la charpente de l’arbuste.

D. Plante acrotone + floraison sur les pousses de n-1 : la taille ne doit pas se voir, ce qui est plus difficile et peut déplaire au commanditaire des travaux. Il est possible d’opérer par réduction des rameaux sur un relais potentiel ( on coupera à l’aisselle de ce rameau bien choisi).

E. Plante médiatone + floraison sur les pousses de l’année : la taille des rameaux conduit à une explosion de la plante en tous sens (buddleia).

F. Plante médiatone + floraison sur les pousses de n-1 : la taille est à faire sur la souche (kolwitzia).

6. Les idées reçues (à oublier)

– Il faut supprimer les fleurs fanées et les gourmands,
– Le bois mort nuit à la santé des plantes,
– Il faut aérer le centre des rosiers, comme on fait pour les arbres fruitiers (qui sont acrotones),
– Il faut tailler les rameaux en biais pour mieux faire couler l’eau de pluie (en fait, le biais de coupe augmente la surface exposée à la pluie et le risque de maladies),
– Il faut couper les racines des plantes vendues en racine nues.